Écoutez le segment complet du balado sur Mon Carnet par Bruno Guglielminetti
Émilie Delvoye, directrice des communications chez Prompt, reçoit Fahima Nekka, professeure titulaire à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal et membre régulier du centre de recherche mathématique.
Fahima a mené un projet collaboratif avec deux entreprises partenaires, Syneos Health et Pfizer, visant le développement d’outils d’aide à la décision clinique.
Découvrez des extraits captivants du balado.
Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de ce projet de recherche et à quelle situation il s’applique?
Dans ce projet, nous collaborons avec nos partenaires pour développer des outils innovants destinés à aider les professionnels de la santé à prendre des décisions cliniques plus éclairées. Concrètement, il s’agit de simuler des traitements de manière virtuelle. Nous testons différents protocoles — comme des dosages ou des combinaisons de médicaments — dans un environnement numérique, ce qui permet d’évaluer leur efficacité sans les appliquer directement sur des patients. Le projet s’articule autour de deux grands axes.
🔹 Le premier axe concerne le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), un domaine où les traitements sont souvent complexes et doivent être adaptés à chaque individu. Nos outils permettent de mieux comprendre comment ajuster les médicaments en fonction du profil spécifique de chaque patient.
🔹 Le second axe porte sur l’oncologie, c’est-à-dire les traitements liés au cancer. Là encore, les protocoles sont souvent personnalisés et les effets secondaires peuvent être significatifs. Grâce aux modèles mathématiques que nous développons, les cliniciens peuvent simuler différentes approches thérapeutiques et ainsi identifier la stratégie la plus adaptée à chaque cas.
Alors, quel est le besoin derrière ce projet de recherche?
Alors ce projet de recherche, il répond à des besoins très concrets, qui ont été remontés directement par des cliniciens ou des chercheurs du secteur industriel. Par exemple, on travaille avec le docteur Philippe Robé, un psychiatre, qui avait besoin de personnaliser le dosage des traitements pour les enfants qu’il suit. Il s’est tourné vers nous pour développer un outil capable de prendre en compte à la fois les caractéristiques des médicaments et les habitudes de vie de ses patients.
Cet outil, il sert évidemment à mieux adapter les traitements, mais il a aussi été pensé comme un support pédagogique pour les parents. L’idée, c’est de leur permettre de mieux suivre le traitement au quotidien, de comprendre ce qui se passe et d’être plus impliqués. Un aspect vraiment central du projet, surtout dans le cadre de notre collaboration avec des partenaires industriels et des plateformes technologiques, c’est la transférabilité. On veut que les outils qu’on développe, les méthodes qu’on met en place, puissent être utilisés directement par les professionnels sur le terrain. C’est un point qui a été super important pour obtenir le financement du projet — on ne voulait pas juste faire de la recherche théorique, mais proposer des solutions concrètes et applicables.
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Quels sont les avantages de travailler en collaboration avec des partenaires industriels?
Oui, tout à fait. Je travaille en particulier avec deux partenaires clés : Syneos Health et Pfizer, qui sont impliqués dans mes travaux depuis plusieurs années maintenant. Ces collaborations ont vraiment enrichi notre manière de concevoir la recherche. Du côté académique, on a souvent des objectifs centrés sur la formation des étudiants, la publication scientifique ou le développement théorique. Mais en travaillant avec des partenaires industriels, on est confrontés à des problématiques beaucoup plus concrètes, directement liées à la pratique. Et c’est là que ça devient particulièrement intéressant. Collaborer avec des cliniciens comme le Dr Philippe Robé, qui est très investi dans le projet et dans l’encadrement des étudiants, ou avec des entreprises comme Syneos, m’a permis de m’attaquer à des enjeux très ancrés dans la réalité du terrain, notamment dans le domaine thérapeutique et médical. Ça nous a vraiment permis de développer une approche multidisciplinaire, plus complète.
Un bon exemple, c’est notre projet actuel en immuno-oncologie. Cette collaboration est absolument essentielle. Si j’avais dû mener ce projet seul, honnêtement, ça aurait été beaucoup plus compliqué, voire même impossible. L’accès aux données, la compréhension fine des besoins cliniques et industriels, et la complémentarité des expertises nous ont permis de mieux cadrer les questions de recherche et d’aller beaucoup plus loin dans les analyses. En somme, cette synergie représente une vraie valeur ajoutée. Et je tiens à souligner l’implication du Dr Didier Zugage, qui a joué un rôle majeur dans l’avancement du projet en immuno-oncologie. C’est vraiment un bel exemple de ce que peut apporter une collaboration bien pensée entre le monde académique et l’industrie.
Est-ce qu’il y a des défis aussi à cette collaboration?
Oui, il y a toujours des défis, bien sûr. Je dirais que le premier, c’est vraiment la recherche de financement — que ce soit public ou privé. Le montage de ce projet a été particulièrement complexe, justement parce qu’il impliquait plusieurs partenaires. Et une fois le financement obtenu, il faut assurer un suivi rigoureux tout au long du projet : rédaction de rapports, justification de l’utilisation des fonds… Bref, ça demande beaucoup d’énergie, de planification, et un vrai travail de fond, autant en amont que pendant toute la durée du projet.
Un autre défi important, c’est le recrutement des étudiants. Dans ce type de projet multidisciplinaire, je cherche des profils qui sont vraiment hybrides — des personnes qui ont, au minimum, des connaissances en pharmacologie, en physiologie, en mathématiques, en programmation scientifique… Ce sont des compétences très variées, et ce genre de profil est assez rare. Donc ça demande du temps, de la patience, et souvent un accompagnement personnalisé pour bien intégrer les étudiants dans le projet.
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