Roberto Morandotti

La transition vers l'internet quantique

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Montréal

« Je suis toujours surpris à quel point la technologie peut parfois se développer plus rapidement que même nos rêves les plus optimistes. Lorsque j’ai débuté mon PhD au milieu des années 90s, personne n’aurait pensé que des ordinateurs quantiques se seraient développés en si peu de temps. »

C’est porté par cet enthousiasme que Roberto Morandotti parle du futur de l’informatique quantique. Chercheur de calibre international dans le domaine des communications quantiques, Morandotti s’est installé à l’Institut National de Recherche Scientifique (INRS) à Varennes pour poursuivre ses travaux. Il y pilote notamment la Chaire de recherche du Canada en photonique intelligente.

Roberto Morandotti, chercheur en informatique quantique et titulaire de la Chaire en photonique intelligente

L’actualité donne raison à son enthousiasme. Dans les dernières années, nous avons vu non pas un, mais deux ordinateurs franchir le cap de ce qu’on a appelé la suprématie quantique.

Il y eut d’abord l’ordinateur Sycamore de Google. En 2019, ce dernier a accompli un calcul en 200 secondes qui prendrait 10,000 années à un super-ordinateur conventionnel. Il faut par contre noter que IBM a rapidement contesté ces chiffres en affirmant que leur super-ordinateur le plus puissant aurait pu réaliser ce calcul en 2,5 jours plutôt que 10,000.

Puis, en décembre 2020, une équipe de chercheurs de l’Université des sciences et technologies de Chine à Hefei réalise à son tour un calcul en 200 secondes, qui prendrait selon eux 2,5 milliards d’années au plus puissant super-ordinateur de Chine.

Les ordinateurs quantiques sont donc bel et bien à notre portée. Au Québec, nous avons nous aussi emboîté le pas. En 2021, c’est 26 projets de technologies quantiques qui furent financés par le gouvernement du Québec, dont deux du Professeur Morandotti via des financements de PROMPT et PRIMA.

« Mais maintenant que nous avons ces ordinateurs quantiques… il faut que nous puissions les faire communiquer entre eux » explique Roberto Morandotti.

Pour ce spécialiste des communications quantiques, nous serions ainsi sur le point d’enfanter un tout nouvel internet : l’internet quantique.

Source : Google, l’ordinateur Sycamore de Google est considéré comme étant le premier ordinateur quantique à avoir franchi le cap de la suprématie quantique

La naissance de l’internet quantique

L’internet que nous connaissons aujourd’hui est dans son essence un projet collectif. Il s’agit d’un réseau planétaire qui s’est construit au fil des ans, alors que des milliers de localités se sont interconnectées entre elles. L’internet n’a jamais été un projet monolithique, piloté par un seul groupe d’acteurs. Au contraire, il est un lègue de l’humanité dans son ensemble. Il atteint ainsi une taille et un niveau de complexité qui dépassent l’entendement.

Est-il réaliste de remplacer une telle infrastructure planétaire par un nouvel internet quantique ?

« Il est clair que nous n’allons pas faire table rase sur les infrastructures de l’internet actuel. Simplement d’un point de vue environnemental, ça ne serait pas durable » explique Morandotti. « Je prédis donc que les communications entre ordinateurs quantiques devront se déplacer à travers de la fibre optique conventionnelle déjà installée. »

Partant de cette prémisse, le professeur Morandotti développe actuellement des technologies qui permettront aux communications quantiques de transiter par des infrastructures dites classiques. On parle ici des câbles de fibre optique qui sillonnent nos océans ou encore des centres d’interconnexion où les réseaux des grands fournisseurs d’accès à internet se rencontrent.

Toutes ces composantes qui forment la tuyauterie de l’internet n’ont tout simplement pas été réfléchies en termes d’informations quantiques. Pour qu’elles puissent être capables de faire passer de telles informations, un défi de taille doit être élucidé.

Roberto Morandotti veut permettre aux communications quantiques de voyager via les infrastructures de l’internet actuel
Crédit : Wim Klerkx

Le défi de la cohérence quantique

Lorsque des chercheurs tentent de faire transiter des communications quantiques via des infrastructures de fibre optique classiques, on constate d’importantes pertes de photons.

« Lorsque vous perdez des photons, vous perdez ce qu’on appelle la cohérence quantique. La perte de cohérence quantique rend inopérable la communication des informations quantiques » explique Pr Morandotti. « Notre objectif ici est donc de construire des modules qui limitent au maximum la perte de photons dans la fibre optique. »

À travers un financement de PROMPT, le professeur Morandotti développe justement un tel module. Ce dernier pourra être intégré aux infrastructures existantes et donner une plus grande robustesse aux signaux quantiques qui y transitent.

« La seule façon de réaliser des communications quantiques longue distance est de minimiser les pertes optiques provenant des composants du réseau. Dans le projet financé avec l’aide de Prompt, je vise à développer des interconnexions robustes et à faibles pertes sur les fibres optiques standard » détaille Pr Morandotti. « Ce sera une étape cruciale vers le développement de réseaux de communications quantiques ultra-sécurisés. »

Recherche en photonique au Centre d’optique, photonique et laser (COPL) de l’Université Laval

Des matériaux avancés au service des communications quantiques

Les matériaux utilisés dans les infrastructures quantiques représentent eux aussi un enjeu de taille. Pour arriver à créer un nouvel internet quantique viable, nous devrons miser sur des matériaux avancés. Pour répondre à cet enjeu, le professeur Morandotti a pu compter sur l’appui financier de PRIMA Québec pour ses travaux. PRIMA Québec est l’organisme de référence au Québec en ce qui concerne le financement d’innovations en matériaux avancés. Sa présidente et directrice générale, Marie-Pierre Ippersiel, explique ainsi l’innovation visée :

« Les systèmes utilisés pour les ordinateurs quantiques sont généralement basés sur des matériaux semi-conducteurs. Aussi, ils ne peuvent opérer qu’à des températures cryogéniques, occupant ainsi le volume d’une pièce entière et ce, à des coûts prohibitifs. Avec ce projet, nous pourrions développer une alternative : des dispositifs à base de photons. Ces derniers seraient avantageux car ils sont faciles à mettre en œuvre et peuvent être utilisés à température ambiante, permettant ainsi une utilisation plus pratique et relativement peu coûteuse. »

Le professeur Morandotti est convaincu qu’une fois optimisé, ce couplage entre la puce quantique et la fibre optique permettra de générer des solutions idéales en termes de performances, de stabilité et de portabilité pour la prochaine génération de dispositifs quantiques.


Marie-Pierre Ippersiel, présidente et directrice générale de Prima Québec.
Crédit : Christian FLeury

À quand l’internet quantique ?

Il est toujours risqué de demander à un chercheur de jouer le jeu de la futurologie. Mais lorsqu’on lui demande de nous prédire à quel moment nous verrons la naissance de cet internet quantique, Morandotti répond sans même hésiter.

« L’internet du futur ne sera pas classique ni quantique. Selon moi, il sera hybride. Il aura une composante quantique, une composante d’IA au niveau logiciel, et aussi une composante dite classique. Je pense qu’on verra cet internet hydride apparaître dans 15 ans environ. »

Entretien avec Roberto Morandotti

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